troet gant Le Gonidec.
L. Prud’homme, 1866  (Levr kentañ Eil levr, p. i-xxix)




INTRODUCTION.


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Pour se rendre au désir exprimé par la famille Le Gonidec, MM. Troude et Milin se sont chargés de revoir le manuscrit de la Bible bretonne et de le corriger, le premier au point de vue scientifique, le second au point de vue théologique. — Il a été convenu que tout changement ou addition serait signé de l’initiale du correcteur.

Il importait, à plus d’un titre, que nous fussions en possession d’un ouvrage fait à l’époque que j’appellerai la renaissance de la langue écrite ; tel est l’ouvrage de Le Gonidec, ouvrage que M. L. Prud’homme, de Saint-Brieuc, s’est chargé d’éditer avec un zèle tout patriotique. — C’est le premier jalon jeté sur la route.

Par ces motifs, les correcteurs se sont fait un devoir de conserver, telle qu’elle a été écrite, l’oeuvre de Le Gonidec. Ils se sont bornés à rectifier quelques expressions qui leur ont paru hasardées, et à remplacer, par des mots appartenant au dialecte de Léon, des termes appartenant à d’autres dialectes, et échappés sans doute à l’auteur. Ils ont conservé son ortographe, et se sont conformés, dans leurs corrections, aux principes consacrés dans sa grammaire et ses dictionnaires.

La traduction de Le Gonidec a été faite sur la vulgate latine (Biblia sacra vulgatae... Lugduni 1738), et rarement il s’est aidé des commentaires. Quand il a eu recours à ces derniers, c’est à de Carrières qu’il a donné la préférence ; il a aussi parfois consulté Sacy.

Dans les traductions du genre de celle-ci, Le Gonidec ne cherchait pas à être savant ; il voulait être fidèle ; à tort ou à raison, il voulait traduire littéralement. C’est dire qu’il a conservé le style laconique et serré de la vulgate ; c’est dire aussi que, dans son ouvrage, on trouvera, comme on en trouve si souvent dans le texte latin, des expressions qui sont en dehors du langage usuel ; des expressions pour lesquelles il faudra avoir recours au dictionnaire [1]. Ces expressions, après tout, il ne les a employées, pour la plupart, que parce qu’il les a trouvées dans de vieux manuscrits bretons.

Loin donc de les lui imputer à crime, comme on l’a fait, il faut se mettre à un autre point de vue et lui savoir gré de nous les avoir conservées, bien qu’elles ne soient pas employées dans la langue parlée ; moins encore est-il permis de les appeler des expressions surannées [2].

Il faut aussi lui tenir compte des circonstances dans lesquelles il a fait ce travail. Éloigné de son pays depuis longues années, il était sans conseils. Et d’ailleurs qui eut pu lui en donner à cette époque ? Qui s’occupait alors de la langue bretonne ? Si celle-ci, la langue écrite surtout, a fait de véritables progrès depuis quelques années, on ne peut nier que ce ne soit à l’initiative de Le Gonidec que ce mouvement est dù. II a fait, à notre sens, pour le breton, ce que Buffon et Bezout ont fait, l’un pour l’histoire naturelle et l’autre pour les mathématiques.

Revenons à la Bible bretonne, et d’abord disons comment elle a pu être imprimée en France. Après avoir fait paraître sa traduction du Nouveau-Testament (1827), laquelle fut enlevée presque entièrement par les habitants du pays de Galles, Le Gonidec céda, par traité, à la Sociélé Biblique de Londres, sa traduction de l’Ancien-Testament. Mais cet ouvrage, si impatiemment attendu en Angleterre, ne put voir le jour en ce pays, parce que, d’une part, la Société ne voulut pas imprimer une Bible catholique, et que, d’autre part, Le Gonidec ne voulut pas consentir à laisser transformer son oeuvre en Bible protestante [3].

Ce fut un des disciples de Le Gonidec, M. Th. Hersart de La Villemarqué, si nous ne nous trompons, qui, dans un vovage qu’il fit en Angleterre, obtint de faire rentrer la famille Le Gonidec dans ses droits, et rapporta, sinon l’annulation du traité, du moins l’autorisation de faire imprimer l’ouvrage.

Le Nouveau-Testament breton, imprimé en 1827, a donné lieu, en Bretagne, à quelques critiques. Parmi celles-ci il en est une très-violente, si violente même qu’on pourrait croire, en la lisant, que Le Gonidec était hérétique. Nous sommes heureux de posséder de lui une lettre qui, pensons-nous, pourra prouver le contraire. Aussi la publierons-nous dans son entier ; elle est d’ailleurs curieuse à plus d’un titre.


Lettre de Le Gonidec, du 22 Décembre 1827, à MM. les Membres de la Sociélé Biblique, Britannique et étrangère.


« Je viens de réexaminer les observations qui m’ont été adressées. par la Société Biblique, sur ma traduction du Nouveau-Testament en breton, observations rédigées par M. Price, savant ecclésiastique de la province de Galles.

» En ce qui concerne le changement à opérer dans la traduction des mots poenitentiam agite, chap. 3, vers. 2 de S. Mathieu, et autres passages où le latin poenitentia est traduit par pinijen, je ferai observer de nouveau que je me suis engagé dans le principe, et vis-à-vis de M. David Jones, à faire une Bible catholique et non une Bible protestante ; que la Société elle-même a été la première à m’autoriser à m’en rapporter à la version de Sacy, toutes les fois que je me trouverais en peine pour le sens dans lequel il faudrait prendre un passage latin qui m’embarrasserait. Si je me suis écarté de cette marche, j’ai eu tort ; si je ne l’ai pas fait, l’on doit me louer plutôt que me blâmer.

» Pour donner plus de poids à ma version, j‘ai cru devoir communiquer mon manuscrit à l’un des évêques de notre Bretagne, l’Évêque de Quimper ; la copie en est restée entre ses mains. Ce prélat a reconnu que mon ouvrage a le mérite de l’exactitude pour la doctrine et la narration des faits ; et il ne m’a refusé son approbation que parce qu’il y a, selon lui, plus d’inconvénients que d’avantages à mettre la traduction des livres saints entre les mains du peuple.

» Quelle opinion se formerait-il aujourd’hui de mon caractère, si mon ouvrage imprimé s’écartait aussi essentiellement, dans son opinion particulière, du manuscrit qui lui a été communiqué et qu’il a encore pour objet de comparaison. Cette découverte suffirait, à juste titre, pour faire proscrire en chaire, dans toute la Bretagne, ma traduction du Nouveau-Testament en breton.

» Une autre remarque que je ne puis me dispenser de soumettre à la Société Biblique, c’est que, d’après les lois françaises, aucun ouvrage ne peut sortir de la maison de l’imprimeur sans qu’on ait déposé à la préfecture un certain nombre d’exemplaires dudit ouvrage. Or, ce dépôt a eu lieu forcément avant l’emballage des mille exemplaires du Nouveau-Testament breton, et, par un hasard assez singulier, notre préfet est de la Bretagne et entend le breton. En altérant aujourd’hui le texte, ne m’exposerais-je pas à être signalé comme un faussaire ?

» M. Price lui-même, à l’estime duquel j’attache le plus grand prix, n’aurait plus que du mépris pour moi, si je consentais si légèrement à opérer ce changement. Je pense même qu’il ne serait pas dans l’intérêt bien entendu de la Société Biblique, après les frais qu’elle a faits jusqu’ici, et qui resteraient sans fruit.

» Si, malgré les raisons développées plus haut, le Comité persiste à vouloir donner un autre sens au latin poenitentia, rien ne l’empêchera d’opérer ce changement lorsqu’il fera réimprimer l’ouvrage en Angleterre, et dans ce cas, ma responsabilité personnelle se trouvera à l’abri vis à-vis de mes compatriotes catholiques......

» Sans m’occuper davantage de cette correction, voici celles que je propose au Comité comme valant la peine d’être faites. »

(Suit une note où sont relatés les changements à opérer. Ils ne s’étendent guère que jusqu’aux Actes des Apôtres exclusivement, et sont marqués (c) dans la nouvelle édition.)

« Si ces corrections peuvent se faire par un errata à la fin du livre, je proposerai de faire opérer toutes celles indiquées dans la note ci-jointe. Si ce n’est pas l’opinion du Comité et s’il désire que les corrections s’opèrent sur des cartons dans le corps même de l’ouvrage, alors je crois qu’on pourrait se borner à celles marquées d’une croix.

» J’aurai notamment moi-même une grande satisfaction à voir paraître mon ouvrage dégagé d’un plus grand nombre d’imperfections, mais je mets en fait qu’on le soumettrait à la critique de nos Bretons et que pas un sur mille ne relèverait autant de fautes que ne l’a fait notre savant ecclésiastique gallois. C’est une justice que je puis rendre aux profondes connaissances du respectable M. Price.

» Si, comme je devais y compter, lorsque je me suis engagé à traduire le Nouveau-Testament, j’avais pu me voir aider dans l’impression par M. David Jones, qui compte venir passer quelque temps à Angoulême, combien me serais-je épargné d’observations, combien plus de régularité aurais-je mis dans ma traduction ! Mais si l’on réfléchit que je me suis trouvé absolument seul, à plus de cent lieues de la Bretagne que j’ai quittée moi-même depuis vingt-quatre ans, on aura quelque indulgence pour moi, surtout si l’on se fait une idée du grand désir que j’avais de donner une traduction littérale, autant que pouvaient le permettre les entraves multipliées qui se rencontrent dans la langue bretonne lorsqu’il s’agit de rendre la concision de quelques phrases latines.

» Quelque jour peut-être, Dieu inspirera quelque Breton plus en position que moi de bien faire, et l’on verra une meilleure traduction du Nouveau-Testament. Mais je ne serai plus pour m’en réjouir.

» Angoulême, 22 Décembre 1827. »


Dans son savant Essai sur l’Histoire de la Langue Bretonne, M. Th. Hersart de La Villemarqué, aujourd’hui membre de l’Institut, prenant pour guides l’histoire et les faits, a dit sur cette langue, sur son passé et sur son présent, tout ce qu’il y avait à en dire. Malgré cela, ou plutôt à cause de cela, nous donnerons un court résumé de cet intéressant travail, que tout Breton devrait connaître.

Dans les campagnes de la péninsule armoricaine, Finistère, Morbihan et Côtes-du-Nord, on parle une langue différente de celle du reste de la France. En Angleterre aussi, un idiome autre que celui du peuple anglais est parlé par les habitants du pays de Galles, de l’Irlande et de la Haute-Écosse. Les peuples de ces derniers pays s’entendent entr’eux, et peuvent, à la rigueur, comprendre les habitants de la péninsule armoricaine.

De ces faits on a conclu, avec quelque raison, que les Bretons de France, les Gallois, les Irlandais et les montagnards de l’Écosse appartiennent à une même famille primitive.

Approfondissant les choses et comparant les traits communs à leurs dialectes nationaux, la science a cru retrouver la langue celtique. Et combien n’est-on pas disposé à se ranger à cet avis, quand on soumet à l’examen les mots cités comme celtiques par les écrivains de l’antiquité, les termes usuels, les noms de nombres, de lieux, de peuples et d’individus, et autres dénominations qui constituent le corps des langues et que les peuples n’empruntent pas. On acquiert bientôt la conviction que ces dénominations dont se servaient les premiers habitants des Gaules et de l’île de Bretagne, sont encore en usage parmi leurs descendants d’Irlande, de Galles, d’Écosse et de l’Armorique [4].

Si ensuite on a recours à l’analyse, on voit que la composition de ces mots est commune aux quatre dialectes celtiques modernes (ceux qui viennent d’être cités), et qu’il en est de même des éléments grammaticaux, tels que l’article, la terminaison des pluriels, les éléments des verbes et l’esprit qui préside à leur combinaison ; les règles d’accord avec les noms de nombres, ainsi que les permutations de consonnes dans certains cas, cette particularité si remarquable qui ne se trouve en aucune autre langue de l’Europe.

Enfin, ne peut-on pas dire qu’on en a trouvé des preuves dans les expressions qui sont communes à ces quatre peuples pour reproduire l’ordre de la création, les divisions du temps, l’ordre de la société, tel que l’état des personnes, les biens de famille, les degrés de parenté, la constitution de la nation, les idées de propriété, de droit et de justice ; dans la nomenclature des choses invisibles, la nature de l’âme, les sentiments dont elle est agitée et les opérations qu’elle produit. Ces mots, dit M. de La Villemarqué, sont communs à la race entière [5].

Après ces considérations générales que nous n’avons fait qu’esquisser à grands traits, M. de La Villemarqué arrive à ce qu’il appelle la seconde époque ou époque brillante de la langue bretonne, parce que ce furent les siècles du barde Gweznou (vers l’an 500), du barde Taliesin (550), du barde Merlin ou Merzin (530 à 600), du barde Aneurin (510 à 560), du barde S. Sulio (660 à 720), de Ghéraint, dit le barde-bleu (800). Cette deuxième époque comprend du ve au xiie siècle.

Les monuments de cette langue, parvenus jusqu’à nous, sont, entr’autres, les poésies des bardes dont nous venons de citer les noms, une grammaire de Ghéraint, un vocabulaire (882), et des dictons poétiques du xe et xie siècles. Ils prouvent que les Bretons, déjà à cette époque, avaient une littérature à eux.

Le défaut de textes antérieurs à l’ère chrétienne n’a pas permis de constater les caractères de l’ancienne ortographe celtique ; toutefois, César nous apprend que les Bretons faisaient usage des lettres grecques. L’invasion romaine amena les caractères latins.

Du ve au xiie siècle, l’ortographe bretonne ne parait guère avoir varié, si ce n’est dans la manière de rendre les sons des dentales et de la gutturale. II n’en a pas été de même de son vocabulaire : il a acquis, durant cette période, beaucoup de termes nouveaux, nés de la religion et de la civilisation. De là tant de mots empruntés au latin.

Cette tendance à employer des mots étrangers prit un tel essor, surtout parmi ceux qui voulaient se faire regarder comme savants, que, vers le ixe siècle, les chefs bretons, dans le but sans doute d’arrêter les progrès du mal, éloignèrent de leur peuple les évêques et les prêtres qui ne connaissaient pas l’idiome du pays. Mais, après tout, le breton est resté identique et invariable, du ve au xiie siècle, dans ses lois générales.

Au xiie siècle commence la décadence de la langue bretonne. C’est la troisième époque.

Au nombre des causes qui amenèrent cette décadence, il faut placer la cessation des rapports des Bretons de l’Armorique avec ceux du pays de Galles. Ils ne parlent plus la même langue, mais deux dialectes qui vont s’éloignant l’un de l’autre. A ces causes aussi il faut joindre les alliances de famille des chefs armoricains, soit avec les Angevins, soit avec les filles des Normands. Attirés par leurs compatriotes régnants, Angevins et Normands des hautes classes envahirent la Bretagne, et y portèrent les mœurs et la langue de France.

La chute de l’indépendance bretonne et le passage des Bretons sous le double joug politique des rois anglo-normands et français et sous celui de l’Église de France, porta le dernier coup à la langue, dit M. de La Villemarqué. Bannie de la cour, elle le fut bientôt des châteaux et des villes de la Haute-Bretagne. Toutefois, les villes, les évêques et les barons de la Basse-Bretagne ne se jetèrent pas ainsi dans les bras de l’étranger. Leur pays dut à sa position géographique et à la concentration de ses habitants de pure race celtique, de pouvoir lutter avantageusement contre la domination étrangère. Les indigènes la repoussèrent, ayant encore à leur tête des chefs de cette terre privilégiée du Léon qui avait sauvé, grâce à ses anciens souverains, la liberté et la langue, lors de l’invasion normande. Ils maintinrent une seconde fois l’une et l’autre dans les pays de Tréguier, de Léon et de Cornouailles. Là, clergé, noblesse, villes et peuples demeurèrent celtiques jusqu’à la fin du xiiie siècle.

Les croisades du xiiie siècle, où la noblesse de Basse-Bretagne se jeta en masse, la querelle entre les de Blois et les Montfort, furent les deux grandes brèches par lesquelles le français s’introduisit en Basse-Bretagne. Ces guerres multiplièrent les rapports entre les Bretons-bretonnants, comme on disait alors, et les étrangers, Normands, Anglo-normands, Angevins, Poitevins et Manceaux, tous parlant français.

Malgré cela, les écrivains du xive siècle nous représentent le breton comme l’idiome général des évêchés de Léon, de Tréguier et de Cornouailles ; et des faits qu’ils citent, on est en droit de conclure que ce n’était pas sans résistance que l’idiome étranger pénétrait en Basse-Bretagne. Une ligne tirée de l’embouchure de la Vilaine à l’Océan, près de Châtelaudren, et passant par Elven et Loudéac, dit M. de La Villemarqué, séparerait assez bien les Bretons-bretonnants et les Bretons-gallos, lesquels faisaient usage d’une sorte de patois roman. Cette ligne préciserait la géographie de la langue bretonne, à la fin du xve siècle.

Les monuments littéraires, du xiie au xve siècle inclus, marquent une époque de décadence : ortographe, vocabulaire, grammaire, tout en porte l’empreinte. On y remarque, dit M. de La Villemarqué, un parti pris de franciser, et l’on constate des pertes énormes en fait de termes originaux. Mais heureusement rien n’est changé dans la structure des expressions bretonnes ni dans les règles de la langue.

C’est dans cette période de décadence que naquit l’ortographe arbitraire ; elle se modela sur celle de la France.

La quatrième et dernière époque s’étend du xve siècle à nos jours.

Le passage des Bretons sous l’autorité immédiate des rois de France, par leur réunion au royaume, en 1499, fit faire de nouveaux progrès à la langue française en Bretagne. Le roi ordonnait de gagner doucement les bonnes villes de Bretagne, afin d’y faire dominer la langue et les idées françaises. On attirait en France la jeune noblesse bretonne par l’appât des charges à la Cour ; on créait des collèges spécialement destinés aux jeunes bretons jaloux de s’instruire. — C’est à cette époque que fut composé le premier grand dictionnaire breton et français.

Le français, qui déjà était l’idiome de l’administration de la Basse-Bretagne, devint peu à peu le langage de société des habitants qui prétendaient au bon ton. Le breton resta la langue du foyer, du bas-clergé et du peuple des villes et des campagnes. Des moines de l’ordre des Récollets, maîtres du gouvernement spirituel de la province, mirent tout en œuvre pour forcer leurs confrères à employer le français dans la prédication, à l’exclusion du breton. La lutte dura cent vingt-cinq ans, et elle fut si vive que l’autorité du Souverain-Pontife dut intervenir pour ramener la paix et fixer les limites naturelles des deux idiomes rivaux. D’autre part, la haute magistrature du pays publiait des ordonnances sévères qui abolissaient le théâtre national où les Bretons de toutes les classes venaient puiser l’enseignement religieux et moral.

Une réaction eut lieu à la mort de la duchesse Anne, et plus particulièrement en 1532. Les habitants d’une grande partie de la province cherchèrent secrètement l’occasion de reconquérir leur indépendance.

« Le mépris, dit M. de La Villemarqué, qu’affectaient pour leurs coutumes nationales les Français venus en Bretagne ou les Bretons infidèles à la langue du pays, et les efforts qu’ils faisaient pour les avilir, redoublèrent l’opiniâtreté que mirent les Bretons-bretonnants à les maintenir. La poésie populaire prêtait son appui constant aux sentiments patriotiques, en maudissant la vipère gauloise, éclose au nid de la colombe armoricaine. Toujours sur la brèche, elle continuait à jouer un grand rôle dans toutes les affaires du pays ; pas un événement de quelque importance qui ne fut annoncé, loué ou blâmé par les poëtes nationaux ; pas un sentiment dont ils ne se fissent l’organe dès sa naissance. Leurs chants, circulant rapidement de manoir en manoir, de bourgade en bourgade et de chaumière en chaumière, faisaient l’office de papiers publics ; et partout où la langue du berceau était celle de la famille, le peuple, regrettant les jours de son indépendance, répétait cet énergique refrain, qui devait être le cri de guerre des ligueurs bretons : Jamais, non jamais, la génisse ne s’alliera au loup. Les auteurs dramatiques secondaient activement l’élan national donné par les chanteurs populaires ; aussi est-ce l’époque florissante du théâtre breton : le nombre de mystères et d’autres pièces du même genre qui nous restent dépasse cent cinquante. »

Ce fut vers ce temps (1577) que naquit Michel Le Nobletz de Kerodern, le dernier apôtre de l’Armorique, celui qui devait étendre et diriger le mouvement national. Les chants religieux qu’il composa en langue bretonne devinrent si populaires, dit M. de La Villemarqué, qu’on n’entendait autre chose à la campagne, parmi les cultivateurs et les prêtres ; dans les maisons, parmi ceux qui travaillaient ensemble à faire des filets, et sur la mer parmi les mariniers. Il fut inhumé dans l’église de Lochrist, près du Conquet.

Après lui, Julien Maunoir, son disciple, continua son oeuvre, et ses succès furent pareils. Il composa des poésies où il résumait les vérités de la religion et coopéra à la création de deux colléges où le breton était la langue usuelle des écoliers. II composa aussi plusieurs ouvrages et entr’autres une grammaire et un dictionnaire.

Vinrent ensuite le P. Marzin, le P. Delrio, le P. de Lannion et le P. Grégoire de Rostrenen, de l’ordre des Frères-Prêcheurs, lesquels publièrent plusieurs travaux dans le but d’aider les jeunes religieux à prêcher en breton. Le dernier publia, en 1732, son dictionnaire français-celtique, et, un peu plus tard, sa grammaire.

En 1752, Dom Le Pelletier, religieux bénédictin, vint à son tour prêter l’appui de ses lumières à la renaissance bretonne. Il publia un dictionnaire breton-français, afin de conserver les expressions propres de la langue bretonne. On lui doit d’avoir introduit un peu d’ordre et de méthode dans l’étude de cette langue.

C’est dans cette quatrième époque, et dans le xvie siècle, qu’il faut rapporter un changement notable dans l’ortographe : l’adoucissement du langage par la suppression ou la permutation de certaines consonnes, soit au commencement, soit au milieu, soit à la fin des mots. Ce fut le P. Maunoir qui lui porta les derniers coups. Comme depuis longtemps déjà on prononçait autrement qu’on n’écrivait, et qu’on laissait au lecteur le soin de faire les permutations de lettres, il trouva à propos d’harmoniser la langue écrite avec la langue parlée. Cette manière de faire, dit M. de La Villemarqué, ne doit pas surprendre de la part d’un écrivain né dans la partie française de la Bretagne, et dont le français était la langue naturelle. De ce moment, on écrivit sans principes fixes et sans méthode.

Au milieu du xviiie siècle, Dom Le Pelletier sentit que la confusion et les anomalies qui défiguraient la langue bretonne provenaient, en grande partie, d’un défaut de système graphique ; et là où le caprice s’était longtemps joué sans contrôle et où le manque de lumières avait voulu opérer de petites réformes puériles, il porta le flambeau de la raison... Il chercha dans la structure même de la langue bretonne, dans la formation régulière de ses mots primitifs et dérivés, dans les différentes ortographes anciennes, les bases d’un système graphique à la fois philosophique et national.

Cette ortographe, ainsi restaurée, fut sanctionnée par les États de Bretagne. Elle reçut ensuite, de Le Gonidec, son dernier poli et son immutabilité. Il retrancha la lettre C, quand elle n’est pas liée à une H , et la remplaça par le K, conformément au vocabulaire du ixe siècle. Il rétablit aussi le G dur (n’ayant jamais le son du J), c’est-à-dire le G avec la valeur qu’on lui trouve dans le vocabulaire de 882. Il employa le W dans les mots dont le radical commence par un G et où il est indispensable, à cause des permutations, pour laisser voir ce radical. Cette lettre était en usage à l’époque brillante de la langue bretonne.

« Modifiée et perfectionnée de la sorte, dit M. de La Villemarqué, l’ortographe bretonne est d’accord avec les principes sur lesquels la science a fondé les plus belles qualités des langues, je veux dire l’étymologie, la dérivation, la régularité, la distinction, la clarté, les affinités, la facilité dans l’enseignement et l’usage. Elle est simple, uniforme, dictée par le génie même de la langue, appuyée sur l’autorité des écrivains anciens les plus méthodiques, et conserve aux mots leur véritable physionomie, leur véritable son, sans trop s’écarter de l’usage reçu. »

Mais revenons sur nos pas, et parlons de l’auteur de la traduction bretonne de la Bible [6].


Jean-François-Marie-Maurice-Agathe LE GONIDEC naquit, le 4 septembre 1775, au Conquet, petite ville maritime, dans le Finistère, patrie de La Tour-d’Auvergne, premier grenadier de l’armée française, auteur des Origines gauloises, et du savant celtique Le Brigant. II fut leur contemporain ; et, comme eux, il consacra sa vie à l’étude des monuments et de la langue de ce peuple qui a passé sur la terre en y fondant de grandes nations, mais sans laisser aucune trace écrite des premiers temps de son histoire ; car le souvenir des Celtes n’est resté que sur des pierres gigantesques et muettes, c’est-à-dire sans figures et sans inscriptions.

M. Le Gonidec appartenait à une des plus anciennes familles de la presqu’île armoricaine qu’habitèrent les Celtes.

Lorsque Louis XIV ordonna la révision de tous les titres de noblesse dans son royaume, des conseillers d’État, des intendants, d’autres grands fonctionnaires furent délégués dans les provinces pour procéder sévèrement à cette révision, rendue nécessaire par l’intrusion d’un grand nombre de faux comtes, marquis et chevaliers dans les rangs de la noblesse, qui était alors un ordre dans l’État.

Quatre années (1668 à 1672) furent employées, en Bretagne, à cette épuration. La famille Le Gonidec était alors très-nombreuse et répandue à Saint-Brieuc, à Carhaix, à Rennes. Dix-sept chevaliers de cette famille furent vérifiés et portés, à la suite de cinq rapports, au Catalogue des noms et armoiries de la Noblesse de Bretagne, dont l’auteur de cette notice possède un manuscrit du temps, in-folio de 434 pages. On y voit que les armoiries de la famille Le Gonidec étaient d’argent à trois bandes d’azur ; que les dix-sept membres de cette famille, vivants à cette époque, étaient qualifiés : les uns, sieurs de Kergaret ; les autres, sieurs de Kervision ; ceux-ci, de Kerdaniel ; ceux-là, de Coutandi, ou de Kerallio, ou de Guerveder, ou de Penaulun, ou de Linadec, ou de Penanguer, ou de Keroan, etc., etc.; et, dans les cinq rapports, à la suite de tous les Le Gonidec, on lit : Noble d’ancienne extraction. Cette remarque on la fait ici, non pour établir la vieille noblesse d’un savant modeste qui n’en tira jamais vanité, mais pour rapprocher cette ancienne extraction des anciens Celtes de l’Armorique.

La vie de Le Gonidec a été calme, simple, laborieuse et retirée ; aucune de nos nombreuses biographies ne la fait connaitre : la plupart même l’ont confondu avec un de ses cousins, conseiller à la Cour de Cassation.

Son père, Yves-Charles Le Gonidec, commissaire de marine, devenu veuf, se vit, sans doute par des revers de fortune, forcé presque d’abandonner son fils dès les premiers mois de sa naissance. Recueilli par M. de Kersauson, qui l’éleva comme un membre de sa famille, le jeune Le Gonidec n’apprit qu’à l’âge de douze ans qu’il avait un autre père ; et peu s’en fallut que la douleur née de cette révélation ne lui coutât la vie.

Il fut envoyé, avec l’ainé des jeunes Kersauson, au collège de Tréguier, où leurs études se firent sous la surveillance de l’abbé Le Gonidec, alors grand chantre de la cathédrale, et qui depuis, sous la Restauration, fut nomme à l’évêché de Saint-Brieuc.

Le jeune Le Gonidec remportait chaque année des prix nombreux. La famille de Kersauson le destinait à l’état ecclésiastique, auquel semblaient l’appeler une piété sincère et ses douces vertus ; il prit la soutane et le rabat.

Cependant, les troubles nés de la Révolution allaient grossissant dans leur rapide cours. Les professeurs ecclésiastiques du collège de Tréguier furent remplacés par des professeurs laïques ; et la plupart des élèves, attachés à leurs premiers maîtres, abandonnèrent le collège et rentrèrent dans leurs foyers.

Déjà l’émigration avait commencé. M. de Kersauson quitta son château de Kerjan ; et sa femme se vit réduite à chercher un asile ignoré dans une obscure maison des champs. Alors, le jeune Le Gonidec se réfugia au château que M. de Kerventon, émigrant, avait confié à la garde d’une sœur. Ce fut là qu’il se vit sollicité de prendre les armes, et de se mettre à la tête d’un parti de chouans lors de la première insurrection qui, dans la Bretagne, précéda, de plus d’un an, l’insurrection de la Vendée. L’abbé Le Gonidec hésitait encore ; mais les tentatives faites auprès de lui furent connues, et un matin, avant le lever du soleil, le château fut cerné par deux cents hommes armés : il dormait. Pendant son sommeil, des armes et un petit baril de poudre avaient été glissés sous son lit. Il s’éveille : on recherche, on trouve, on verbalise ; et le jeune échappé de collège, qui n’était pas encore entré dans l’insurrection naissante, est conduit prisonnier au château de Carhaix, puis à Brest, où il est sommairement jugé,... et condamné à mort.

La sentence allait être exécutée ; déjà son pied touchait la première marche de l’échafaud, quand une émeute éclate sur la place ; soudain, les gardes sont écartés, le condamné est enlevé et jeté précipitamment dans une allée dont la porte se referme sur lui. II était dans la maison d’un patriote exalté : mais celui-ci se trouvait absent ; et sa femme, ayant pitié du jeune clerc, choisit un moment propice pour le faire évader.

Le Gonidec passa en Angleterre, d’où il revint, en juillet 1795, avec l’expédition de Quiberon. Mais, heureusement, il était débarqué à Sarzène, près de Vannes, et il put s’enfoncer dans la Basse-Bretagne. Quelque temps après, il rejoignit ce qu’on appelait l’armée catholique et royale ; il y servit, pendant les années 1795 et 1796, sous les ordres du marquis de La Boissière, maréchal-de-camp, et s’éleva, par son courage, jusqu’au grade de lieutenant-colonel ; il continua de servir sous d’autres chefs, jusqu’au 9 novembre 1800, époque où il fit sa soumission à Brest, pour profiter de l’amnistie du 18 brumaire.

Mais, forcé de se cacher encore, il consacra ses longs loisirs à l’étude. II apprit, d’une manière raisonnée, le bas-breton qu’il avait parlé dans son enfance ; et même, par humanité, par dévouement, il exerça successivement, jusqu’en 1804, parmi les simples habitants des campagnes, et comme à l’exemple des anciens druides de ces contrées, les fonctions de médecin et d’instituteur.

Se voyant néanmoins sans avenir, et pensant que le baron Sané, son oncle, inspecteur-général du génie maritime, pourrait le faire entrer dans l’administration de la marine, il vendit tout ce qu’il possédait dans l’Armorique, et vint à Paris solliciter une modique place de douze cents francs, qu’il n’obtint qu’après bien des démarches.

Membre, dès sa formation, de l’Académie celtique, qui tint sa première séance le 5 germinal an xiii (30 mars 1805), et dont il fut un des premiers vice-présidents, M. Le Gonidec, qui avait été immatriculé à Brest, comme élève contre-maître, était employé, en 1807, comme aide contre-maître, dans le cinquième arrondissement forestier, lorsqu’il publia, cette même année, sa Grammaire celto-bretonne, contenant les principes de l’orthographe, de la prononciation, de la construction des mots et des phrases selon le génie de cette langue. Paris, in-8° de 332 pages.

Cet ouvrage commença sa réputation dans le monde savant. En 1808, le ministre de l’intérieur (comte Crétet), conçut, ou adopta du moins, une de ces grandes pensées, dont l’utilité se montre d’abord incontestable, dont l’exécution n’est pas d’une haute difficulté, et qui, cependant, sont arrêtées dans leur cours et restent sans achèvement.

Ce ministre voulut féconder l’idée de recueillir des échantillons de tous les idiomes usités dans l’étendue de l’Empire. Afin de pouvoir comparer entre eux, avec exactitude, ces divers langages, il demanda, dans tous les départements, la traduction d’un même morceau de la Bible, et fit choix de la Parabole de l’Enfant Prodigue, telle qu’elle est racontée au vème chapitre de l’Évangile selon saint Luc. Ce qui détermina le choix de cette parabole, c’est qu’elle renferme des expressions d’un usage généralement répandu.

Le comte Crétet envoya des circulaires ; il adressa des lettres particulières aux savants les mieux versés dans la connaissance des idiomes nationaux. Il écrivit, le 26 janvier 1808, à M. Le Gonidec, une lettre dans laquelle il disait : « Je suis déjà parvenu à rassembler un grand nombre de versions de cette parabole dans beaucoup de patois français, italiens, allemands et flamands » (alors la France impériale comptait plus de trente de ses départements en Italie, dans la Gaule-Belgique et en Allemagne) ; et le ministre invitait le grammairien de l’Armorique à lui procurer des versions de la parabole dans les différents dialectes bas-bretons, c’est-à-dire dans les idiomes vulgaires des peuples du Morbiban, du Finistère et des Côtes-du-Nord. Il lui recommandait d’accompagner chaque traduction d’une interprétation inter-linéaire, absolument littérale ; et, après de justes éloges donnés à la Grammaire celto-bretonne qui venait d’être publiée, le ministre témoignait au savant le désir qu’il voulût joindre, au travail demandé, les chansons populaires qui existeraient en bas-breton, ou d’autres morceaux propres à faire connaître les mœurs et les usages des habitants ruraux de la Basse-Bretagne.

Et, comme pour rendre son invitation plus pressante, le comte Crétet disait encore : « Je ne doute pas que vous ne vous fassiez un plaisir de concourir, en ce qui dépend de vous, à compléter des recherches comparatives, qui sont déjà très-avancées, sur les différentes langues qui sont en usage en France. »

II est inutile de dire que le savant et zélé Armoricain s’empressa de répondre à cet appel ; il mit la parabole de l’enfant prodigue en breton, dans le dialecte dit de Léon ou du Finistère ; il joignit à cette traduction une interprétation interlinéaire et littérale ; il y ajouta aussi des notes. Une autre interprétation littérale et interlinéaire de la même parabole, dans le dialecte dit de Tréguier ou des Côtes-du-Nord, déjà faite par Le Brigant, fut revue, corrigée par M. Le Gonidec, et jointe à l’envoi fait au ministre de l’intérieur.

Ces deux pièces ont été insérées dans le second volume des Mémoires de l’Académie Celtique, comme l’a été, dans le volume suivant, un Recueil de chansons vendéennes traduites en vers par l’ex-directeur Réveillère-Lépaux, précédées d’une notice sur le patois vendéen et suivies d’un vocabulaire de ce patois. Ce travail avait sans doute aussi été demandé par le comte Crétet ;... mais déjà il n’était plus ministre.

Et maintenant, que sont devenus ces grands travaux commandés dans tout l’empire? Que sont devenues ces recherches comparées, que le comte Crétet disait très-avancées, sur les différentes langues en usage en France ? Ces précieux documents ont-ils été conservés ? existent-ils encore dans les cartons du ministère ? M. le comte Montalivet ne refuserait pas de s’en enquérir. Son illustre père avait été, le 1er octobre 1809, le successeur immédiat du comte Crétet.

Le 1er février 1809, M. Le Gonidec était enfin devenu contre-maître de première classe. Il s’était acquis l’estime et la confiance de tous ses chefs, et il mérita d’être choisi pour des missions importantes ; il fut envoyé à Berlin pour être employé sous les yeux mêmes de l’Empereur. Le baron Sané, son ami et son oncle, l’appela souvent à remplir auprès de lui les fonctions de secrétaire, et il fit un grand nombre de voyages à la suite de Napoléon, avec l’inspecteur-général du génie maritime [7].

Le 1er février 1812, M. Le Gonidec fut envoyé à Hambourg avec le titre de chef de l’arrondissement forestier au-delà du Rhin. Mais, après les revers de la campagne de Russie, il se vit forcé, par l’approche d’un corps ennemi, de regagner la France ; il fut mis à la demi-solde, sous prétexte qu’il avait abandonné son poste : le véritable grief était de s’être endetté pour venir au secours de son père, qui mourut, la même année, au Conquet ; et, comme il voulait faire connaître la cause honorable de sa position, on lui répondit que ce n’était pas pour faire des dettes qu’il avait été envoyé à Hambourg ; que c’était pour s’enrichir à l’étranger, comme tant d’autres.

La fortune sembla un instant lui sourire. II avait importé de l’Allemagne une nouvelle lampe qui, perfectionnée par ses soins, eut une grande vogue. Mais, soit trop de confiance dans un maître-ouvrier qui le trompa, soit défaut d’argent, ce fut, comme on l’a vu trop souvent, un autre qui profita de la découverte.

Il rentra bientôt dans le service de la marine forestière, mais seulement comme sous-chef, après avoir occupé un poste supérieur dans les villes anséatiques. Il se vit même réduit aux humbles fonctions de secrétaire de direction. On le fit souvent changer de résidence ; en moins de sept années, il fut successivement envoyé à Versailles, à Nancy, à Vesoul, à Paris, à Nantes, à Moulins, à Angoulême. Obligé de semer partout le fruit de ses économies, il s’imposait de grandes privations pour élever sa famille [8].

L’étude et le travail le soutenaient, consolateurs quotidiens des misères de la vie et des traverses du savant. En 1821, il fit imprimer, à Angoulême, son Dictionnaire celto-breton, ouvrage qui, avec sa Grammaire celto-bretonne, suffirait pour recommander son nom à la postérité.

Parmi les mémoires qu’il a lus à l’Académie Celtique et qui ont été recueillis dans la savante collection de cette Société, on remarque une curieuse Notice sur les cérémonies des mariages dans la partie de la Bretagne connue sous le nom de Bas-Léon, une Notice sur le temple de Lanlef [9], et plusieurs mémoires où l’on reconnaît toujours le savant dégagé de l’esprit de système et profondément versé dans les sciences archéologique, linguistique et philologique.

M. Le Gonidec avait appartenu à la Société Académique des Sciences de Paris ; il était devenu membre de la Société Royale des Antiquaires de France, lorsqu’elle remplaça l’Académie Celtique en 1814, époque où l’auteur de cette notice en était secrétaire perpétuel. M. Le Gonidec prit une part utile à ses travaux, tandis qu’il entretenait une correspondance savante avec d’autres Sociétés dont il faisait partie, la Société d’Agriculture d’Angoulême, la Société Scientifique de Saintes et les deux Sociétés étrangères établies dans le pays de Galles, sous le nom de Cymreygiddion et de Gwermeygiddion. Il avait traduit en bas-breton et fait imprimer un Nouveau-Testament et le Catéchisme historique de Fleury ; il avait traduit encore toute la Bible, ainsi que le livre célèbre de l’Imitation ; il avait aussi composé un Dictionnaire français-breton ; et ces travaux remplirent douze années de sa vie, sans qu’il connût d’autres distractions que le changement d’un travail pour un autre.

C’est ainsi qu’il se consolait de l’entier oubli de ses services, en les continuant toujours ; aucune décoration ne lui fut donnée. Il vit sa retraite injustement fixée. Sa pension modique ne pouvait lui suffire, il lui fallut accepter un emploi dans l’administration des Assurances Générales, et, déjà plus que sexagénaire, donner huit heures par jour à un travail ingrat, et pour un savant bien pénible, mais qu’il remplit toujours consciencieusement.

L’Institut Historique s’était empressé de l’appeler dans son sein à l’époque de sa création ; son zèle et son exactitude se firent honorablement remarquer ; il portait, avec l’aménité des formes, la lumière dans les discussions ; chargé de plusieurs rapports, on remarqua celui qu’il fit sur de nouvelles recherches relatives au celto-breton, par M. de Latouche (Voy. le Journal de l’Institut) ; il lut, dans une des séances de 1836, un conte traduit du bas-breton. Il communiquait à l’Institut sa correspondance avec les deux Sociétés galloises et le tenait au courant de leurs scientifiques travaux. En 1837, il fit imprimer, à cinquante exemplaires seulement, la traduction d’un ancien drame armoricain, intitulé : La Vie de sainte Nonne et de son fils saint Devy (David), archevêque de Menevic en 519, mystère composé en langue bretonne, antérieurement au xiie siècle.

Après avoir été longtemps vice-président de la seconde classe de l’Institut Historique, M. Le Gonidec en était devenu président le 4 février 1838. Sa vie régulière et son tempérament vigoureux semblaient lui promettre encore une longue existence, qu’il se proposait d’employer, jusqu’au dernier moment, pour la gloire de son pays, lorsqu’une goutte compliquée et une inflammation d’estomac l’ont emporté, après cinq mois de souffrances aigües, le 12 octobre 1838, à l’âge de 63 ans. Il avait conservé toute sa présence d’esprit. Quinze jours avant sa fin, il revoyait les dernières épreuves d’une seconde édition de sa Grammaire celto-bretonne, qui a paru avec des additions et des corrections nombreuses : c’était comme un premier monument qu’il semblait s’élever lui-même au moment où il allait cesser d’exister. Il est mort, calme et résigné, dans les sentiments de piété qui avaient rempli et consolé sa vie.

On doit désirer la prochaine publication de plusieurs de ses ouvrages encore inédits, surtout celle du Dictionnaire français breton, et aussi celle de l’Ancien-Testament et de l’Imitation dans une langue qui paraît avoir été parlée par les anciens habitants de l’Armorique, avant les premiers temps connus de l’histoire [10].

La mort de Jean-François-Marie-Maurice-Agathe Le Gonidec est une perte pour l’Institut Historique, pour la science archéologique, pour la linguistique, pour son pays, autant que pour sa famille et pour ses amis. II était un exemple aux savants par sa vie laborieuse, par sa modestie, par l’aménité de ses mœurs.

Déjà plusieurs Bretons se sont réunis et ont proposé la souscription d’un monument qui garderait ses cendres. La Société Royale des Antiquaires de France, l’Institut Historique, les deux Sociétés du pays de Galles, d’autres Sociétés encore et d’autres savants nationaux et étrangers entendront cet appel ; et Le Gonidec, méconnu pendant sa vie, sera du moins honoré après sa mort : car, toujours fidèle à la devise de l’Académie Celtique : Gloriæ majorum, son nom a mérité d’être associé à celui du célèbre Le Brigant et à celui de l’auteur des Origines Gauloises, Latour d’Auvergne, qui, l’un et l’autre furent ses compatriotes et contemporains.

Le monument dont parle la notice précédente a été élevé, près du Conquet, en 1845, sept ans jour pour jour après la mort de Le Gonidec. Une commission formée de quelques amis avait d’abord décidé que le monument serait élevé au Teven, tertre qui forme un des côtés de la baie du Conquet, parce que placé là, il serait aperçu à la fois de la ville et de la mer. Mais cette disposition n’ayant pu être exécutée, le monument fut construit à Lochrist, petite bourgade où se trouvaient, il y a peu d’années encore, l’église et le cimetière du Conquet. Là, pour perpétuer le souvenir de celui qui a été, à juste titre, appelé le Législateur de notre langue nationale, fut élevé un menhir sur lequel étaient écrits ces mots :

Peûlvan, diskit d’ann holl hanô Ar Gonidek,

Dén gwiziek ha dén fur, tad ar gwir brézounek.
Ganet é Konk, 4 miz gwengolô 1775.
Maro é Paris, 12 miz here 1838.
Béziet é Konk ann 12 euz a viz here 1845.


Traduction des lignes précédentes :

Pierre, apprenez à tous le nom de Le Gonidec,
Homme savant et homme sage, père de la vraie langue bretonne.
Né au Conquet, le 4 Septembre 1775.
Mort à Paris, le 12 Octobre 1838.

Inhumé au Conquet, le 12 Octobre 1845.


La cérémonie eut lieu le 12 Octobre 1845, en présence des délégués Bretons et Gallois, et, en cette occasion, sir A. Périer, consul britannique, représentant le pays de Galles dans cette solennité, prononça les paroles suivantes, qu’a bien voulu nous transmettre M. Jeinkens, ministre anglais protestant à Morlaix :

« Si le temps l’eût permis, l’honneur ne me serait pas dévolu de représenter à cette auguste cérémonie les Bretons insulaires. Les habitants de l’antique Kymri auraient envoyé une députation pour honorer la mémoire du digne Breton.

» Je viens, Messieurs, exprimer sur la tombe du savant et vertueux Le Gonidec, la reconnaissance de mes compatriotes envers ce conservateur, ce restaurateur de la langue celtique, et témoigner leur estime et leur amitié pour leur frère de l’Armorique. »

A quelques mois de là, le monument de Le Gonidec ayant été détruit par la foudre [11], des souscriptions furent ouvertes dans le pays de Galles dans le but de compléter le travail du premier monument, lequel avait été jugé insuffisant sous certains rapports. On adopta aussi en ce pays l’idée émise par M. Al. Bouet, président du comité breton pour le monument de Le Gonidec : « Peut-être, écrivait-il à M. Jeinkens, serait-il agréable aux habitants du pays de Galles que dans la partie du monument qui reste à faire, une inscription galloise vint témoigner, tout à la fois, de l’origine commune de nos deux idiomes, de la gratitude des Gallois pour Le Gonidec, et de la part prise par eux à l’hommage que nous avons voulu rendre à ce savant philologue. »

Cette inscription galloise fut mise au concours par la Société de Cymreygiddion d’Abergavenne, pays de Galles, avec un prix de 250 francs, offert par Lady Hall et F. Wakeman, et décerné à l’Eisteddfed de 1848.

Ce monument, rétabli sur l’emplacement du premier, dans le cimetière de Lochrist, porte sur une de ses faces l’inscription galloise suivante, dont nous trouvons la traduction littérale bretonne et française dans le Mémoire de MM. Perrier et Jeinkens.

INSCRIPTION GALLOISE.
————
Ar Gonidec, dyn da,

Ei enw sydd yma,
Yn arwydd o wir vawl,
A’r cariad tynera
Ar bawl-vaen a savwyd
Gan vrodyr Brythoniaid
Pryden vechan gyda
Pridain vawr, Gomeriaid,
Am y carai ei vro,
A’i iaith y Vrythoneg,
I d’un gwnaeth Eir-Lyvr
Ac hevyd Rammadeg,
Ac am droi, y gyntav,
Yr holl Vibl santaidd
I iaith y Brythoniaid,

Gwaith, mawr, da, nevolaidd.


TRADUCTION LITTÉRALE EN BRETON.
————
Ar Gonidec, den mad,

He hano zo ama,
Da arouez a wir veuleudi
Hag ar garantez denera,
War eur peul-van savet
Gant breudeur Bretoned
Breiz-vihan ha
Breiz-veur Gomered ;
Dre ma kare he vro,
Hag he iez ar Brezonek
Da b’hini e reaz ger-levr
Hag ive eur grammer,
Hag evit trei, ar c’henta,
Ann holl Vibl santel
E iez ar Vretoned.

Labour braz, mad, celestiel.


TRADUCTION LITTÉRALE EN FRANCAIS.
————
Le Gonidec, homme de bien,

Son nom est ici
En témoignage d’éloge sincère
Et du plus tendre amour,
Sur une colonne de pierre élevée
Par des frères Bretons
De la Petite-Bretagne et
De la Grande-Bretagne, Gomériens,
Parce qu’il aimait son pays
Et sa langue bretonne,
En laquelle il fit un dictionnaire
Et aussi une grammaire,
Et parce qu’il traduisit, le premier,
Toute la sainte Bible
Dans la langue des Bretons.

Œuvre grande, bonne, céleste.
}}

Sur la face opposée du monument figurent les mots suivants :

« Érigé en 1845 et renversé par la foudre en 1846, ce monument a été relevé et complété, en 1851, par les habitants du pays de Galles, en témoignage de leur admiration pour Le Gonidec, restaurateur de la langue celto-bretonne, en laquelle il a traduit la sainte Bible. »

Sur une des faces a été rapportée l’inscription bretonne du premier monument.


Avant de terminer, disons un mot de l’ortographe bretonne.

Nous formons des vœux pour que les paroles rapportées, en dernier lieu, au sujet de l’ortographe bretonne, deviennent l’objet de la méditation des écrivains bretons ; car, pour notre part, nous regrettons bien vivement de voir des personnes instruites et sachant bien le breton, écrire cette langue en violation de tous les principes de grammaire générale, et de telle sorte qu’on ne peut soumettre à l’analyse la plupart des expressions qu’elles employent. Mais, sous l’empire de l’amour-propre et d’autres mauvais instincts, chacun des adversaires de Le Gonidec ne veut entendre qu’à sa propre manière de voir, à la méthode qu’il a inventée [12], et tous refusent même de s’enquérir des causes qui ont fixé le choix de celui qui, de beaucoup, réunit aujourd’hui le plus grand nombre de partisans.

Sans considérer ce qui se fait dans le français, les vrais amis de la langue bretonne devraient tendre à l’unité, ne fût-ce que par esprit national. N’est-ce pas, en effet, faire descendre au rang d’un patois mal défini, une langue que l’on écrit de tant de manières différentes ?

C’est ainsi que, pour n’en citer que quelques exemples, les uns écrivent: eaczoc’h, eassoc’h, eguet, belec, stancq, sgoet ; d’autres, easoc’h, eghet, eg’et, eget, beleq, belecq, belek, stanq, stank, skoet, scoet. Ceux-ci écrivent: ganthan, eveltan, nemedoun, mar deo, pa zeo, paz eo, dezan, deoc’h, etc. ; ceux-là, avec plus de raison et avec le sentiment grammatical : gant han, gant-han, nemed-oun, nemed oun, evel-t-han, mar d-eo, pa’z eo, d’ezan, d’ezhan, d’e-hoc’h, etc.

Nous avons dit que la méthode de Le Gonidec était celle qui avait le plus de partisans. Il sera facile de le prouver en citant les noms ou, à défaut de noms, les ouvrages à tous degrés d’un grand nombre de ceux qui se sont ralliés à son ortographe, avant et depuis l’époque où Monseigneur Graveran, évêque de Quimper, a imprimé, par divers écrits, le mouvement dans le sens dont nous parlons.

Les principaux travaux parvenus à notre connaissance sont les suivants :

Ar Feiz hag ar vro. — Aotreadur ann Aotrou’n Eskop a Gemper diwar-benn lizeriou Breuriez ar feiz. — Al Lizeriou kenta euz a Vreuriez ar feiz, betek ma varvaz ann Aotrou’n eskop Graveran. — Ann Histor santel e berr gomzou. — Barzaz Breiz. — Bennoz ann Eskop. — Buez hor Zalver Jezuz-Krist (1858). — Bepred Breizad. — Kanaoennou santel. — Divizou brezounek ha gallek (1857). — Furnez Breiz. — Jezuz-Krist skouer ar gristenien. — Al Labourer douar. — Laouenan Breiz. — Mandamant ann Aotrou’n eskop a Gemper (1846, 1847). — Meuleudi ar c’hi. — Skrituriou sakr. — Telen arvor. - Les poésies bretonnes qui, à diverses époques, ont paru dans le journal l’Océan, de Brest : Ann Heol. — Al Loar. — Ar Paour. — Ann Heretiked pe Bleizi Brest. — Ann Alarc’h. — Ann Tour-tan. — Ar re C’hlaz. — Ann Itroun Varia Rumengol. — Buez sant Ronan. — Buez sant Korintin. — Breuriez sant Izidor. — Buez Gwennole. — Buez Keravel. — Barz ar Pontho. — Barzed Arvor. — Kanaouennou ar gwir gristen. — Kan-maro itroun maner ar Genkiz. — Kastel Ker-Iann. — Kurunen ann Itroun Varia Rumengol. — Kloarek Koat-ann-noz. — Kanaouen ar Vretouned. — Kan ar goukou. — Klara. — Kurunen aour ha perlez ann Itroun Varia Remengol. — Kan-maro ar Skour. — Kimiadou eur barz euz ann Arvor. — Da Vemor ar Gonidec. — Diviz evit goulenn eur verc’h da zimezi. — D’ar Vretouned. — Eur Vamm hag he bugel. — Fables de La Fontaine, en breton. — Fals Pinvidik. — Iez ar Vamm. — Fistoulik. — Gwerz ann Eskop gwenn. — Gwennolik ar breur-mager. — Hirvoudou. — Ha Paour ha Pinvidik. — Iliz Plouneour. — Jeannedik Koant. — Al Labourer douar. — Levr ar C’heneliez. — Greg ar Merdead. — Mari konsevet hep pec’hed. — Barzed Arvor. — Pa vezo deut ann heol. — Eur Vamm hag he bugel. — Enfin, tous ceux, et le nombre en est grand, qui font partie du Breuriez difennerien iez Briez.

II ne sera pas inutile de rapporter ici les paroles sensées qu’adressait, en 1836, aux écrivains bretons, M. de Goesbriand père, lorsqu’il fit paraître sa traduction des Fables de La Fontaine :

« Je n’ai pas la prétention, disait-il, d’offrir à mes lecteurs du breton classique et pur de tout alliage : je ne connais que le breton vulgaire, tel qu’on le parle aujourd’hui. J’aurais désiré ne me permettre que, le moins possible, des mots évidemment d’origine française, lorsque la même idée pouvait se rendre par un terme vrai breton. Malheureusement, la mesure et l’inexorable rime m’ont souvent imposé cette dure nécessité ; je ne l’ai jamais subie sans un sentiment pénible, car c’est ainsi que se perd notre vénérable idiome. — Avis, ajoutait-il, aux jeunes écrivains bretons.

» Quant à l’ortographe, disait-il ensuite, je me suis cru libre de choisir et de modifier, attendu que l’ortographe bretonne n’est pas encore fixée. Celle de M. Le Gonidec me paraît, sous plusieurs rapports, la plus rationnelle ; mais on n’y est pas encore habitué. »

Combien nous connaissons de Bretons qui, pour un motif ou pour un autre, pensent et agissent comme M. de Goesbriand !


A. TROUDE,

colonel en retraite


————
  1. On verra plus loin qu’un Évêque breton-bretonnant a sanctionné cette manière de faire.
  2. Ce qui se passe de nos jours encore en Afrique, nous semble être un trait caractéristique des langues anciennes. En ce pays, les indigènes lettrés n’emploient pas, même entr’eux pour parler, l’arabe littéral dont ils se servent exclusivement pour écrire.
  3. A ceux qui ignorent en quoi diffèrent les textes catholiques et protestants, nous dirons, en deux mots, que, outre certaines croyances propres à chacun de ces cultes, il se trouve dans la vulgate latine trois livres que les protestants considèrent comme apocryphes et qu’ils rejettent pour cette raison.
  4. A ceux qui voudraient comparer le dialecte du pays de Galles avec le dialecte d’Armorique, nous dirons de prendre garde que les Gallois ne prononcent pas comme ils écrivent. C’est ainsi que lue par un Gallois, l’inscription relatée plus loin serait beaucoup plus intelligible pour un Breton que ne l’est la lecture qu’il pourrait en faire lui-même.
  5. Voir à ce sujet les tableaux si curieux qu’en donne M. de La Villemarqué dans le travail cité plus haut.
  6. La notice suivante nous a été adressée par la famille Le Gonidec. Elle porte la signature de M. Villenave, membre de la 2e classe de l’Institut Historique, dont Le Gonidec était président.
  7. Joseph-Philippe baron Sané, l’ingénieur le plus habile, dans le xviiie siècle, pour la construction des vaisseaux, et qu’on appelait le Vauban de la marine, membre de l’Académie des Sciences, grand-officier de la Légion-d’Honneur, mort au mois d’août 1831.
  8. Mme Le Gonidec, sa femme, aujourd’hui sa veuve (décédée à Auteuil (banlieue de Paris), le 21 Janvier 1854.), et ses deux fils, MM. l’abbé Le Gonidec, membre du clergé de la paroisse Saint-Roch (décédé Curé d’Auteuil (banlieue de Paris), le 14 Février 1858.), et Robert Le Gonidec.
  9. Lanlef signifie, en breton, lieu consacré aux pleurs ou aux gémissements. Ce temple est exactement décrit par M. Le Gonidec. Après avoir émis l’opinion qu’il aurait d’abord été consacré au culte du Soleil, il rapporte la tradition, encore existante, qu’un trésor est caché dans ses antiques murs, et qu’il y eut, vers le milieu du siècle dernier, une émeute parmi les habitants du canton, contre quelques personnes inconnues qui visitaient le monument, et qu’on prit pour des Anglais venus dans le dessein d’enlever le trésor.
  10. Les grands Dictionnaires français-breton et breton-français ont été publiés il y a quelques années, de même qu’une nouvelle édition de la Grammaire. Les Vocabulaires français breton et breton-français ont paru en 1860. En ce moment, les Visites au Saint-Sacrement sont sous presse. Tous ces ouvrages ont été imprimés chez M. L. Prud’homme, à Saint-Brieuc.
  11. Dans la description suivante, tout ce qui a trait à la participation des Bretons-Gallois relativement à ce monument, est extrait d’un Mémoire adressé à la famille Le Gonidec par MM. A. Perrier, consul britannique à Brest, et Jeinkens, ministre protestant à Morlaix
  12. C’est à ce point que, malgré de fréquentes recherches, il ne nous a pas été possible de trouver deux écrivains qui eussent la même méthode ; deux qui, dans des circonstances analogues, écrivissent le même mot de la même manière. Encore est-on fort heureux quand on trouve de l’uniformité dans l’ortographe de chacun d’eux.