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Ar bajenn-mañ n’he deus ket ezhomm da vezañ adlennet.
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LA MOISSON


V


O heureux ceux qui gardent les coutumes que leurs pères leur ont léguées !

Mais hélas ! en ce monde il n’y a rien de durable, et les meil­leures coutumes ne tardent pas à disparaître comme les autres choses. Aujourd’hui, à 1a campagne, qui verrez-vous encore battre son blé avec des fléaux ?

La coutume est changée, et maintenant on ne bat plus le blé qu’au moyen d’une batteuse appelée machine.

Que c’est désagréable d’assister, dans les aires, au battage du blé par les machines !

Quand elles marchent, c’est avec épouvante qu’on les entend crier, corner, sonner et gronder, faire plus de bruit que cent jeunes taureaux qui beuglent à la fois.

Pendant qu’ils les entendent les chiens ne cessent pas de hurler Dans les pâturages, les bestiaux ne font que pousser des cris. Tous les oiseaux épouvantés abandonnent leurs chansons, et ’ont se cacher au fond des bois.

Et que de travailleurs il faut pour servir la batteuse et faire tout l’ouvrage !

Voyez-les tous sur pied, du matin au soir, travaillant de toutes leurs forces, sans trève ni repos ! Ils s’agitent, ils courent, ils suent, mai~ ne suffisent pas à servir la machine. Celle-ci, comme un animal affamé et insalia,ble, crie et avale sans cesse, sans jamais pouvoir être contentée. Mais avant la fin de la journée, les hommes et les bêtes tombent sur les dents et sont à moitié tués.

O vous qui possédez un bon cheval et de bons bœufs, faites-les, si vous le voulez, travailler toute la journée ; laissez-les sans crainte traîner toute espèce de voiture; mais ne les employez jamais à faire tourner une machine à battre. Ils ne tarderaient pas à perdre leur gloire et leur beauté : ils ne seraient plus recherchés dans les foires. Vos bœufs, autrefois si admirés dans le quartier,