Pajenn:Cadic J.-M. - Kanen Morised - RM,1894.djvu/12

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LA COMPLAINTE DE MAURICETTE


Là arrive bientôt le tailleur, sa balance à crochet à la main.

13. — « Mauricette, au lieu de me dire la vérité vous m’avez menti, en me disant que vous seriez allée au champ à neuf sillons, tandis que vous êtes venue au Pradigo.

14. — « Je ne vous ai pas menti, car j’ai été au champ à neuf sillons, oui, j’ai été au champ à neuf sillons, mais mes bêtes n’y voulaient pas paître.

15. — « Mauricette, vous allez me dire si vous m’aimez ou si vous ne m’aimez pas, et si vous voulez devenir mon épouse.

16. — « Pierre Guégan, je ne vous méprise pas, mais je ne serai jamais votre épouse : pour vous dire la vérité, je me suis consacrée à Dieu.

17. — « Mauricette, vous consentirez, ou, sans pitié, je vous ôterai la vie.

— « J’aime mieux mourir mille fois, que d’offenser mon Dieu une seule fois ».

18 — Quand la pauvre Mauricette s’aperçut qu’elle courrait un si grand danger, elle pria la Vierge Marie d’intercéder pour elle.

19. — « Notre-Dame de Bon-Secours, je vous consacre mon honneur ; Vierge, ô mère des vierges, du haut du ciel, secourez-moi. »

20. Elle criait à tue-tête pour demander aide et protection. Hélas ! personne ne pouvait l’entendre, car il n’y avait aucune maison près de là.

21. Elle voulut s’enfuir à la maison ; mais le criminel, plein de colère, la frappa à la poitrine et à la tête, avec la boule de sa balance à crochet.

22. Au troisième coup elle tomba sur la face, dans une mare de sang, et rendit à Dieu son âme aussi belle que le jour.