qui avait sauvé, grâce à ses anciens souverains, la liberté et la langue, lors de l’invasion normande. Ils maintinrent une seconde fois l’une et l’autre dans les pays de Tréguier, de Léon et de Cornouailles. Là, clergé, noblesse, villes et peuples demeurèrent celtiques jusqu’à la fin du xiiie siècle.
Les croisades du xiiie siècle, où la noblesse de Basse-Bretagne se jeta en masse, la querelle entre les de Blois et les Montfort, furent les deux grandes brèches par lesquelles le français s’introduisit en Basse-Bretagne. Ces guerres multiplièrent les rapports entre les Bretons-bretonnants, comme on disait alors, et les étrangers, Normands, Anglo-normands, Angevins, Poitevins et Manceaux, tous parlant français.
Malgré cela, les écrivains du xive siècle nous représentent le breton comme l’idiome général des évêchés de Léon, de Tréguier et de Cornouailles ; et des faits qu’ils citent, on est en droit de conclure que ce n’était pas sans résistance que l’idiome étranger pénétrait en Basse-Bretagne. Une ligne tirée de l’embouchure de la Vilaine à l’Océan, près de Châtelaudren, et passant par Elven et Loudéac, dit M. de La Villemarqué, séparerait assez bien les Bretons-bretonnants et les Bretons-gallos, lesquels faisaient usage d’une sorte de patois roman. Cette ligne préciserait la géographie de la langue bretonne, à la fin du xve siècle.
Les monuments littéraires, du xiie au xve siècle inclus, marquent une époque de décadence : ortographe, vocabulaire, grammaire, tout en porte l’empreinte. On y remarque, dit M. de La Villemarqué, un parti pris de franciser, et l’on constate des pertes énormes en fait de termes originaux. Mais heureusement rien n’est changé dans la structure des expressions bretonnes ni dans les règles de la langue.
C’est dans cette période de décadence que naquit l’ortographe arbitraire ; elle se modela sur celle de la France.