Au milieu du xviiie siècle, Dom Le Pelletier sentit que la confusion et les anomalies qui défiguraient la langue bretonne provenaient, en grande partie, d’un défaut de système graphique ; et là où le caprice s’était longtemps joué sans contrôle et où le manque de lumières avait voulu opérer de petites réformes puériles, il porta le flambeau de la raison... Il chercha dans la structure même de la langue bretonne, dans la formation régulière de ses mots primitifs et dérivés, dans les différentes ortographes anciennes, les bases d’un système graphique à la fois philosophique et national.
Cette ortographe, ainsi restaurée, fut sanctionnée par les États de Bretagne. Elle reçut ensuite, de Le Gonidec, son dernier poli et son immutabilité. Il retrancha la lettre C, quand elle n’est pas liée à une H , et la remplaça par le K, conformément au vocabulaire du ixe siècle. Il rétablit aussi le G dur (n’ayant jamais le son du J), c’est-à-dire le G avec la valeur qu’on lui trouve dans le vocabulaire de 882. Il employa le W dans les mots dont le radical commence par un G et où il est indispensable, à cause des permutations, pour laisser voir ce radical. Cette lettre était en usage à l’époque brillante de la langue bretonne.
« Modifiée et perfectionnée de la sorte, dit M. de La Villemarqué, l’ortographe bretonne est d’accord avec les principes sur lesquels la science a fondé les plus belles qualités des langues, je veux dire l’étymologie, la dérivation, la régularité, la distinction, la clarté, les affinités, la facilité dans l’enseignement et l’usage. Elle est simple, uniforme, dictée par le génie même de la langue, appuyée sur l’autorité des écrivains anciens les plus méthodiques, et conserve aux mots leur véritable physionomie, leur véritable son, sans trop s’écarter de l’usage reçu. »