Pajenn:Luzel - Koadalan.djvu/18

Ar bajenn-mañ n’he deus ket ezhomm da vezañ adlennet.

— Demain, mon père, il y a une belle foire à Lannion, et il vous faudra y aller. — Pourquoi aller à la foire, puisque je n'ai ni cheval, ni vache, ni pourceau ? — Ne vous inquiétez point de cela; demain matin vous trouverez un bœuf superbe dans votre étable. Menez-le à la foire, et demandez-en le prix que vous voudrez, et quand ce serait mille écus, vous les aurez. Mais ne donnez pas la corde avec le bœuf. Faites-y bien attention, ou vous ne me reverrez plus. — C'est bien, dit le bonhomme. Le lendemain matin le vieux Koadalan se rend à son étable, et est bien étonné d'y trouver un bœuf magnifique, comme il n'en avait jamais vu. Il lui passe une corde au cou, et se rend avec lui à Lannion. Tout le monde disait, sur le chemin, en le voyant passer : « Le beau bœuf! à qui est-il ? » Et le vieillard en était tout fier. Dès qu'il arriva dans le champ de foire, la foule s'empressa autour de lui. — Combien le bœuf? demandaient les bouchers de Lannion et de Tréguier. ,— Mille écus! disait le vieillard. Et ils s'en allaient. De même pour les marchands de Morlaix et de Léon. Nul n'enlevait le bœuf. Arrivèrent alors trois grands marchands inconnus, les poches bourrées d'argent et que personne ne connaissait : (C'étaient trois diables.) — Combien le bœuf.f" dirent-ils. — Mille écus! — Ce n'est pas pour rien, grand père. N'importe, c'est une belle bête; il nous plaît, et nous sommes d'accord. Voici de l'argent com.ptant. Le vieillard met l'argent dans sa poche et livre le bœuf aux trois mar- chands; mais il garde la corde. — Donnez aussi la corde, grand père. — Je n'ai vendu que la bête, et je ne donnerai pas la corde. — La corde suit toujours la vache et le bœuf. — Je n'ai pas vendu la corde et je ne la donnerai point. — Il nous faut cependant une corde; donnez-la et vous aurez encore mille écus. — Je ne la donnerai pas, même pour dix mille! Et le vieillard met la corde dans sa poche, et part. Les trois marchands montent alors sur leur bœuf. Mais celui-ci commence aussitôt à beugler, à courir, comme une bête affolée, et jette les