Le Linceul des Morts. 205 et trouvait le temps long, et avait hâte de voir venir le jour. A six heures, le sacristain vient sonner Y Angélus du matin, et Job s'empresse de sortir de l'église, heureux de s'en tirer sans mal et d'être quitte des sept années qu'il devait à son seigneur. Il va visiter les pierres tombales du cimetière, croyant les trouver toutes brisées et réduites en poussière. Mais, elles étaient comme devant, et il ne vit traces ni de roues, ni de pieds de chevaux, ce qui l'étonna. — « C'est la volonté de Dieu ! » se dit-il seulement, et il retourna à la maison. Son seigneur était là, qui l'attendait et qui lui demanda, dès qu'il l'aperçut : — Eh bien, Job, te voilà ? — Me voici, monseigneur. — Et sans mal aucun ? — Oui, grâce à Dieu, monseigneur. — Dis-moi ce que tu as vu, cette nuit, dans l'église. — Je n'ai rien vu (d'extraordinaire), monseigneur. — Vraiment ? — Vraiment. (Il ne voulait pas dire.) — Eh bien ! alors tu as fait une bonne nuit et gagné aisé- ment ce que tu me devais. — Oui sûrement, monseigneur, et pourtant, je ne voudrais pas y passer une autre nuit. — Pourquoi donc ? Tu as eu peur ? — Un peu; je ne voudrais pas faire la même chose par cu- riosité ; mais, comme c'était pour gagner du pain à mes en- fants, Dieu n'a pas trouvé mauvais ce que j'ai fait. — C'est bien ! Voilà la quittance des sept années que tu me devais. — Merci, monseigneur. Et le seigneur s'en alla. Durant la journée, Kervran ne fit que songer à ce qu'il avait vu, dans l'église. Le lendemain matin, il va se confesser à un des vicaires (il y avait trois prêtres dans la paroisse), pendant que le curé disait sa messe, et il lui raconte tout. Le vicaire, de son côté, le dit au curé. Celui-ci va trouver Ker- vran, chez lui, et lui demande si ce que le vicaire lui a rapporté est vrai. — Oui, monsieur le curé, c'est vrai. Revue Celtique, XIII 14
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