Pajenn:RBV 1867-1 p436-445.djvu/4

Adlennet eo bet ar bajenn-mañ
439
LA BRETAGNE A M. DE LAPRADE.

Marchons toujours, clopin-clopant… Dieu ! qu'est-ce — que j’entends au haut de la forêt résonner si majestueusement ? — Est-ce le biniou ? est-ce la bombarde ? Suis-je sourde ou ne le suis-je pas ? — Sont-ce des chiens qui aboient ? Je ne saurais le dire.

J’entends maintenant la voix, semblable à celle du bourdon du biniou, — quand on l’on entend de loin dans les ébats du soir ; — c’est une voix belle et retentissante, la voix d'un grand barde chrétien, — lequel chante en mon honneur des vers qui me réjouissent :

« Tu ne me connais pas, chère et sainte Armorique,
» D’un moins noble pays je suis le barde obscur ;
» Je n’ai jamais encor respiré ton air pur
» Et courbé mes genoux sur ton sol héroïque »

Appuyée sur mon penn-baz, immobile comme une statue d’église, — j’ai écouté le chant, le cœur grandement attendri ; — et, tel qu’un onguent salutaire ferme une large plaie, — il me rendit encore jeune malgré mes nombreuses années.


————



Deomp c’hoaz enn eur jilgamma… Jezuz Doue, petra
A glevann er c’hoad huel ker kaer o tregorna ?
Ar biniou ? ar vombard ? Bouzar ounn pe n’ounn ket ?
Ar chas o c’harza ind-hi ? n’oufenn ket lavaret…

Ar vouez a glevann breman evel ar grozunel
A gleveur war dro kus-keol er jabadao, a bell ;
Eur vouez kaer ha sklentin eo, mouez eur barz braz Kristen,
Pehini a gan d’in-me eur werz am gra laouen.

« Te n’am anavezez ked, Arvorik keaz zantel,
» Euz a eur vro disteroc’h eur barz divrud ounn-me ;
» N’am beuz ket c’hoaz tanveet blaz iac’huz da avel,
» Ha n’ounn ket bet daoulinet war da zouar ive. »

Evel eur zand enn iliz, harpet war ma fenn-baz,
Em euz selaoued ar werz, ma c’haloun tenez braz ;
Evel eul louzou iac’huz a wella d’eur gouli
E reaz d’in beza iaouang enn desped d’am c’hozni.