Trente mélodies populaires de Basse-Bretagne/a-bezh
Skrid a-bezh
Deutu ganeme, va mestrezik |
Cette poétique mélodie est dans le mode hypodorien. La couleur agreste, le caractère de calme et de sérénité qui la distingue ne sauraient être exprimés à un aussi haut degré par le mode mineur.
Chantée par Françoise Legall
Belle-Isle-en-Terre
Pebez kélou, o ma Doué, E meuz hirio recévet ! |
Cette mélodie est dans le mode mineur. Au point de vue du rythme elle offre ceci de remarquable que sur les quatre membres de phrases dont elle se compose, il y a trois membres de cinq mesures.
Chantée par Julienne Thomas
Belle-Isle-en-Terre
Ar iaouankis zo eur bouquet ar haera zo er bed, |
La première partie de cette mélodie est dans le mode hypolydien avec terminaison sur la médiante (variété syntono-lydienne ).
Dans la seconde partie, quand apparaît l’ut naturel, la mélodie change de mode et sa terminaison se fait une quinte au-dessous sur une tonique hypodorienne. Il est à remarquer dans le deuxième membre de cette seconde période, l’ut dièse reparaît : cette note étrangère au mode hypodorien produit une modulation passagère et un rappel de la modalité hypolydienne qui donne à la conclusion une grande impression de fraîcheur.
Si on analyse cette mélodie au point de vue rythmique, on rencontre dans la première partie deux phrases de six mesures qui se décomposent chacune en deux membres de trois mesures ; le deuxième membre de la seconde phrase se répète deux fois. La seconde période se compose de deux phrases : l’une de sept mesures, l’autre de six mesures.
Chantée par M. Guichon
Plounève
En dud yawang a pe zimant, En dud yawang e jonch ket è, |
La première phrase de cette chanson est construite dans le premier mode du plain-chant avec si naturel (mode de l’ave maris stella).
La seconde phrase, servant de refrain, dans laquelle apparaît le si bémol, est dans le mode hypodorien.
Cette mélodie, qui est composée de deux phrases de six mesures, a un grand caractère, le refrain surtout présente dans sa concision, une intensité d’expression remarquable.
Chantée par Joseph Lebrun
Guéméné
Chelawed oll a chelawed |
Cette chanson de danse, qui est dans le mode majeur, présente une construction rythmique dont on trouve de fréquents exemples dans l’antiquité. Des cinq membres de deux mesures qui la composent, le premier et le second, en s’appariant, répondent symétriquement au quatrième et au cinquième, également appariés ; tandis que le troisième membre, dépourvu de pendant, n’en trouve aucun auquel il puisse s’unir. Ce membre « célibataire » s’appelait chez les anciens mesodicon, et la strophe qui le renfermait portait le nom de période mésodique[2].
Chantée par Me Loth
Guéméné
Entré Iliz sant Lorenz ha Chapel sant Hervé |
Cette belle mélodie, qui est dans le mode mineur, n'est pas sans intérêt, au point de vue rythmique.
Le repos régulier que fait le chanteur à la fin de chaque vers et que nous avons reproduit scrupuleusement, donne à la phrase musicale correspondante une étendue de sept mesures. Chacun de ces membres pourrait être considéré comme formant une grande mesure a 7/2.
Chantée par M Le Goaz
Guingamp
Pa oann war bont ann Naonet gai landemoa, libéré, |
Cette chanson est dans le mode majeur, et, chose rare dans les mélodies populaires, sa coupe est parfaitement carrée.
On sera frappé du contraste qui existe entre la gaieté de l’air et la tristesse du sujet.
Chantée par Marie Patirou
Locmaria près Quimper
Drinded santel, prosternet dirazoc’h d’an daoulin |
Ce beau cantique, empreint à un si haut degré d’un sentiment d’austérité et de « détachement » est dans le mode dorien. Dans la musique grecque, le mode dorien, comme l’ordre dorique en architecture, avait pour caractères distinctifs la fermeté, la sévérité et la sobriété.
Ce mode est basé sur une dominante : aussi sa terminaison ne conclut pas. L’expression vague et indéterminée de la cadence dorienne donne ici à la mélodie un singulier cachet de grandeur.
Chanté par Eliza Cotiou
Carhaix
Martolodet, din ho léret (bis) |
Cette chanson est construite, comme le N°5, dans le mode de ré (tonique) avec si naturel (transposé d’un demi-ton). Après le retour répété de la dominante qui apparaît comme finale dans les phrases du début, la terminaison sur la tonique est d’un effet piquant et imprévu.
Le mélange de la mesure à deux temps et à trois temps communique au rythme une allure très libre, sans nuire en rien à sa clarté et à son aplomb.
Chantée par Jacquette Lebrun
Pédernec
Mar plich ganeoc’h chilaouet, hag e clefet canan |
L’emploi du si naturel dans les deux premières phrases de cette mélodie fait penser tout d'abord qu’elle est construite dans le 1er mode du plein-chant avec si naturel. Mais l'apparition du si bémol dans les phrases suivantes établit clairement la modalité hypodorienne. Le caractère expressif inhérent à ce mode communique à la mélodie un remarquable cachet de grandeur.
Toutes les phrases qui la composent sont carrées, sauf la dernière qui renferme cinq mesures.
Chantée par Jacquette Lebrun
Pédernec
Zonet-u zonerian, zonet munut ha ge, zonet munut ha ge : |
Cette chanson a un caractère presque officiel en Bretagne. Elle accompagne la cérémonie burlesque de la « Soupe au lait », offerte le soir des noces, par les invités, aux nouveaux mariés. Cet usage, beaucoup moins répandu qu’il ne l’était jadis, subsiste encore aujourd’hui dans quelques localités.
La chanson de la « Soupe au lait » qui est dans le mode majeur, est tout à fait exempte de mélancolie. Si l’on analyse sa construction rythmique, on rencontre au début une phrase musicale d’une mesure répétée trois fois, à laquelle succèdent deux membres de trois mesures.
Chantée par Melle Louise Le Bourlaix
Guéméné
Jesuz ! peger braz eo |
Ce cantique ravissant, dont l’expression a un caractère de pureté angélique, est dans le mode hypodorien. Son rythme est entièrement conforme à la règle de la carrure.
Chanté par le Vte Hersart de la Villemarque
Quimperlé
Disul vintin, ha pa zaveen,
Chibouez ar had ar hévélek
Mestrez iaouank, d’i me laret :
Gwelo a rann ha keuz a meuz : |
Cette mélodie, dont la première phrase a dans sa terminaison une saveur hypodorienne, conclut dans le mode majeur ; elle n’en a pas moins un grand caractère. Si l’on analyse sa construction rythmique, on trouve une période de six mesures, dépourvue de pendant et deux phrases de quatre mesures qui se correspondent.
Chantée par Marie Jeanne Pérèz, femme Guillou
Quimperlé
Ur marc’hadour bihan, euz ar ger a Rouan |
L’air de ce gwerz est dans le mode majeur.
Chanté par Mr Le Goaz
Guingamp
Didostait da glevet Kana ann disparti |
Cette mélodie est dans le mode mineur, qui n’est pas à beacoup près le mode le plus répandu qu’il y ait en Bretagne. Sa construction rythmique serait tout à fait régulière, sans l’apparition d’une mesure à 9/4 dans la phrase finale.
Chantée par Françoise Legall
Belle-Isle-en-Terre
C’houi zeuio gané, ma mestres |
Ce sône est dans le mode majeur. Son rythme serait parfaitement carré sans la répétition du deuxième membre de deux mesures de la première phrase. C’est un spécimen des chansons de danse de la Cornouailles, chansons très vives et très alertes, dont le caractère est tout opposé à celui qu’on attribue d’ordinaire à la musique bretonne.
Chanté par M Plassart
Morlaix
Memwè chuéjed or vèstres. |
Cette mélodie est un spécimen des chansons de danse des Côtes-du-Nord. Elle est dans le mode mineur et parfaitement carrée.
Chantée par M. Jos. Loth
Guéméné
Ni hou salud guet caranté, |
Ce cantique, aux paroles duquel un mélange de breton et de latin donne une naïveté charmante, est dans le mode majeur. Si l’on considère chaque mesure à 6/8 comme la réunion de deux mesures à 3/8 on trouve que sa composition rythmique renferme deux phrases de cinq mesures (à 3/8) qui se correspondent, et deux membres de sept mesures (à 3/8) également appariés.
Chanté par M. Jos. Loth
Guéméné
Me a zo deut betek aman evit kana eun dans |
Cette chanson de Cornouailles est dans le mode phrygien. Le phrygien, comme le dorien, est basé sur une dominante, et sa terminaison, dans laquelle le sens reste suspendu, déroute un peu notre oreille.
Bien qu’elle ait été recueillie à Plestin, cette chanson est originaire de Scrigniac en Cornouailles.
Chantée par Magalon (bourrelier)
Plestin
Penost i reiñ méñ krampoèc’h |
Cette chanson, d’une allure franche et naturelle, est dans le mode phrygien. Sa construction rythmique offre un exemple assez remarquable de la division tripartite, chère au tempérament breton. Si on l’analyse, on voit qu’elle se compose de deux périodes, composée chacune de trois phrases de trois mesures. D’après notre notation la deuxième phrase de la seconde période renferme quatre mesures au lieu de 3 ; mais la mesure en plus tient ici lieu de point d’orgue et sa présence n’altère en rien la symétrie de la composition rythmique.
Chantée par Mr Le Fur
Guéméné
Un Doué hemb quin e adorei |
Cette chanson religieuse nous offre un exemple de la première destination de la poésie chantée chez les peuples primitifs. C’est pour mieux graver dans la mémoire des Bretons les commandements de Dieu que les missionnaires eurent l’idée d’y adapter une mélodie. Celle-ci par la simplicité et la netteté de son contour, convenait admirablement à cette destination. Tout le monde la chante en Bretagne.
Au point de vue de la construction rythmique, elle se compose d’une phrase de trois mesures qui se répète deux fois, d’une phrase de quatre mesures et du retour de la phrase initiale de trois mesures.
Chantée par M. Jos. Loth
Guéméné
E studi belec me zo bet bars e Guingamp e San Briec |
Cette chanson appartient à la classe des chansons de danse alternées qui s’exécutent toujours à deux voix et dans un diapason assez élevé, La présence obligée de deux chanteurs n’a pas pour but de présenter le motif sous forme de duo, mais de rendre la fatigue moins grande, en la divisant. L'un des chanteurs entonne la première phrase, l’autre lui répond et ainsi de suite. Comme ce dialogue musical ne doit pas apporter la moindre perturbation à l’unité rythmique, chaque chanteur a soin d’attaquer, avant le début de sa phrase, les dernières notes de la phrase chantée par son partenaire. Il se produit ainsi à la fin de chaque période un rinforzando résultant de la superposition des deux voix qui imprime un nouvel élan au chant et à la danse.
L’air de celle chanson sert d’accompagnement à la danse appelée bal.
Chantée par M. Nicolas
Huelgoat
Nous ne donnons pas la suite des paroles qui dans ce genre de chansons n’ont qu’un intérêt secondaire. On a l’habitude en Bretagne d’appliquer à ces thèmes de danse n’importe quelle poésie dont le rythme s’accorde avec le rythme musical.
- ↑ Nous publions pour la première fois des textes en dialecte bas-vannetais, c’est-à-dire dans le language parlée entre le Scorff et l'Ellé, dans le nord-ouest du département du Morbihan. Aussi avons-nous tenu à reproduire les sons de ce dialecte aussi exactement que possible. Pour les voyelles, les accents ont la valeur des accents français. L’e non accentué a la valeur d’un e muet français, de l’y gallois non accentué. Eu, ou représentent les mêmes sons simples qu’en français. K, g ont toujours le son dur. S devant un t a le son du ch français. Ch se prononce comme en français.
Le son le plus particulier de ce dialecte ainsi que du vannetais en général, c’est celui de l’u consonne ou u spirant. Il y a eu en vannetais un u consonne, de même qu’en face de ou (français) il y a un ou consonne équivalent au w anglais. Nous le représentons par V̓.Note de M. Joseph Loth
- ↑ Voir Gevaert, Histoire et Théorie de la musique de l'antiquité, T. II, p. 157.
- ↑ Pour la suite des paroles voir Luzel, Chants populaires de la Basse-Bretagne, SILVESTRIK (2de version) T.I, p.362.
- ↑ Nous ne donnons pas les autres paroles, cette complainte étant interminable et offrant peu d’intérêt.
- ↑ Nous ne pouvons donner ici tous les couplets, cette chanson durant quelquefois depuis dix heures du soir jusqu’à minuit.
- ↑ Ce cantique est si populaire en Bretagne que cela nous dispense de donner la suite des paroles bretonne.
- ↑ Pour la suite des paroles bretonnes, voir les Chant populaires de la Basse-Bretagne de Luzel, T1 p.354. Le début de cette chanson est donné par Luzel comme une variante de Iannik le Bon-Garçon
- ↑ Pour la suite des paroles, voir le BARZAZ BREIZ du Vte H. de la Villemarqué.
- ↑ Pour la suite des paroles bretonnes voir le recueil vannetais : GUERZENNEU EID OL ER BLAI Vannes, chez Galles.
- ↑ Nous ne donnons pas les autres couplets qui ne semblent pas se rapporter à ce qui précède.
- ↑ Nous croyons inutile de donner la suite des paroles bretonnes, qui sont tirées du recueil vannetais : GUERZENNEU EID OL ER BLAI. Vannes, chez Galles.